
Une littérature sur l’identité visuelle des entreprises existe, mais fait défaut en ce qui concerne l’identité sonore et/ou musicale. Face à ce constat, et avec l’ambition de développer une méthodologie d’identité sonore, je commence à me documenter sur le design « généraliste », aidé en cela notamment par l’ouvrage de Birgitte Borja, intitulé « Design management ». Je souhaite prolonger la réflexion entreprise sur les transferts possibles entre arts appliqués et design sonore, en termes de stratégie, d’organisation et de méthodologie. L’objectif est le suivant : sortir du discours marketing invariablement pompeux voire mensonger des agences de design musical en évitant la « pensée magique » (position dominante de l’expert : « je le dis donc vous le croyez ») pour proposer une approche exigeante, justifiable et normée, autant que faire se peut, comme dans le cas de l’architecture. Si des démarches sérieuses existent en design purement sonore, telles que représentées par l’équipe design sonore de l’IRCAM ou l’agence LAPS pour ne citer qu’eux, cela tient essentiellement aux parcours de ces acteurs (double formation scientifique et musicale dans le premier cas, formation en design industriel dans le second). En design musical cependant, les principaux acteurs, ceux qui ont réussi à conquérir le marché des grandes entreprises, sont très souvent issus du monde de la communication ou des écoles de commerce, avec un intérêt connexe pour la musique liée à une pratique amatrice. La création d’une entreprise de design musical représente pour ces personnes l’expression d’une envie personnelle toute légitime de conjuguer un métier (rentable si possible) et une passion.
De l’autre côté, d’excellents musiciens et compositeurs présentent des lacunes tant sur le développement de leur propre activité que sur la communication de leur valeur ajoutée auprès d’organisations d’importance. Ils ont par ailleurs très rarement conscience (comme souvent les premiers) de ce qu’implique une démarche de design et produisent des créations dont la relation à l’identité de l’entreprise est ténue, reposant quasi exclusivement sur leur propre perception intuitive de la marque. Les deux cas sont également facteurs d’échecs, à la différence que les premiers gagnent de l’argent et que les seconds voient la majorité de leurs tentatives d’entreprises vouées à l’échec dans un délai de trois ans à compter de leur création. Si l’agence « sixième son« , a réussi, c’est sans doute parce qu’elle intègre en interne et de manière permanente des compositeurs doués et un leader charismatique, capable de faire le lien entre le milieu de la marque et celui de la musique. Malheureusement, celui-ci, que j’ai eu l’occasion d’interviewer, ne semble pas disposé à exposer sa méthodologie pour des raisons dont l’évidence saute aux yeux. Il préfère parler de sa « vision » ou de son « intuition » pour justifier la qualité des créations de son agence. Alain Goudey, en revanche, proche du milieu universitaire, semble enclin à partager un certain nombre de connaissances. Je me ferai le relais de sa réflexion au cours des prochains billets.
- Partagez-vous mon constat sur l’état du design musical ? Quels sont selon vous ses acteurs les plus méritants ? Ses créations les plus adaptées ?
- Quelles solutions voyez-vous pour faire avancer le design musical ? La publication d’ouvrages ? Le développement et la diffusion des travaux universitaires sur le sujet ?
charles
juillet 22, 2010
Très intéressant ce blog, j’en apprends bcp,
bonne continuation,
charles
Xavier Collet
juillet 23, 2010
Merci !
Berenger
juillet 23, 2010
Bonjour,
merci pour cet article, qui reflète bien la situation actuelle. Les remarques que tu fais sur les agences de comm sont très justes à mon sens. J’ai travaillé pour l’une d’elle un temps, en discutant avec le compositeur principal, il apparaissait qu’il n’appliquait pas de méthode particulière mais parlait d’état d’esprit (il faut se mettre dans l’état d’esprit de la marque pour réaliser un musique qui colle à celle-ci).
lorsque je travaillais dans l’identité sonore, un rapport d’analyse de la communication était établi suivant les différents supports de comm utilisés par l’entreprise en question (analyse du graphisme, de la mise en pages des plaquettes, etc) puis analysés en fonction de leur position sur le marché pour dégager des « valeurs » (luxe, sobriété, élégance … ) que devra porter la musique. Ces rapports allaient souvent jusqu’à évoquer les notions de timbre de rythmes et de gammes.
Malheureusement à cause d’un crash de DD je n’en ai aucun à partager. Mais un lien vers un article (un peu consensuel) que j’ai écrit à ce sujet (il y a 2-3 ans) http://berengerrecoules.blogspace.fr/r49934/Communication-Sonore/
Merci encore pour ton blog et les expériences, c’est toujours bien écrit et intéressant. (allez je m’abonne ! même si la plupart des articles me viennent par une google alert sur les termes « design sonore » :) )
Xavier Collet
août 20, 2010
Bonjour Berenger,
je n’approuve ton commentaire que maintenant car WordPress l’avait classé en spam et je viens de le découvrir. Merci beaucoup pour ton retour éclairé sur le sujet. Tes articles sont très intéressants. Je prendrais le temps de les approfondir, et peut-être de les relayer, si tu m’y autorises. Si tu retrouves des documents qui ne soient pas confidentiels, ce pourrait être très intéressant aussi.
A bientôt,
Xavier
Michael Boumendil
septembre 20, 2010
Cher Xavier,
C’est toujours un plaisir de vous lire. Je souscris assez largement à ce que vous écrivez. Je voudrais simplement apporter deux commentaires.
Vous parlez en des termes élogieux de Sixième Son et je vous en remercie. Néanmoins, vous vous méprenez sur les raisons qui me poussent à ne pas trop théoriser sur la méthodologie de Sixième Son. Pour le dire simplement, je crois que l’un des enjeux essentiels de notre travail doit nous amener à découvrir chaque nouveau sujet comme s’il était le premier. Les marques, quand on les connait bien, sont toutes différentes. Elles peuvent aspirer à des destins communs, ceux qui mènent au succès, à la réussite mais leurs personnalités divergent. L’école que je développe au sein de Sixième Son est celle de la curiosité. Bien sur, il y a une méthode, celle qui me permet, en ma qualité de créateur et de patron d’équipe, de me forger une opinion sur ce qui est bien pour une marque, ce qui lui correspond. Je suis par exemple un grand lecteur de la presse d’entreprise. je lis souvent en détail les CV et parcours des principaux dirigeants. Je lis des rapports,d es bilans d’image. Je cherche ce qui a du sens, de la légitimité, de la pertinence pour mes clients. J’y passe l’essentiel de mes heures. Je vous prie juste de me croire, cette imprégnation est le travail laborieux d’un tailleur qui cherche l’inspiration et le bonheur de celui qu’il habille. Voilà pourquoi lorsque vous m’avez interrogé sous l’angle scientifique, par pudeur et par souci d’exactitude, je ne me suis pas étendu. S’il y a bien un protocole d’investigation, je pousse au quotidien mon équipe à s’en extraire – alors que c’est moi qui le leur enseigne !
J’apporterai une deuxième précision. Le design musical est aussi un art de la séduction. Je crois que le design a cette part là, mais qu’elle est terriblement accrue dans le cadre de l’exploitation musicale. Vous écrivez que le design musical n’existe pas. Je crois vous avoir dit pourquoi j’avais adopté ce terme par opposition au terme design sonore. Théoriser la séduction est possible, c’est même souhaitable à condition de savoir s’extraire de ce qui, au bout du compte, mènerait à la recette, laquelle en matière de marque est vouée à l’échec.
Bien à vous,
Michaël Boumendil
Président de Sixième Son